Qui est maçon ?

Ces secteurs d'activité, aux effectifs nombreux, fournissent la masse du recrutement. Mais, si l'on considère les catégories très minoritaires dans la nation, il faut signaler la proportion relativement importante dans les loges d'artistes, d'acteurs, de journalistes, de publicitaires, de chercheurs scientifiques, d ' écrivains et, naturellement aussi, d'élus politiques. Rares, nous l'avons vu, sont les communistes, et absente l'extrême-droite. En dehors des - socialistes et des radicaux, on ne trouve guère que quelques gaullistes venant du radicalisme, peut-être aussi quelques "modérés". Les mêmes tendances se retrouvent à la Grande-loge féminine. Le classement politique devient beaucoup plus difficile avec la GLNF, dont l'actuel grand-maître est pourtant un ancien socialiste SFIO, Jean Mons, et qui a eu parmi ses dirigeants Jean Baylot, naguère préfet de Police (SFIO).

Peut-on tracer le profil intellectuel et moral du franc-maçon français ? Le sens de la mesure et de la relativité des vérités (la conviction profonde qu'en politique surtout il n'est aucune vérité intangible) forme l'héritage commun de la maçonnerie. Avec le sens de la durée, de la germination, un optimisme foncier et la certitude que le progrès moral est possible, la recherche permanente des harmonies individuelles et collectives constitue le meilleur produit de la maïeutique initiatique des francs-maçons. En contrepoint apparaissent des traces d'orgueil dans l'idée, parfois exprimée naïvement, des mérités d'antériorité de la méthode maçonnique : avant Freud et ses disciples, elle aurait inventé la psychanalyse et la psychologie de groupe. Si l'on met à part le cas des francs-maçons dits "réguliers", dont l'histoire est différente, on ne peut éliminer de cette ébauche de portrait moral l'empreinte de l'anticléricalisme. La marque en est presque effacée chez les plus jeunes, mais elle ride encore profondément le visage des anciens. L 'anticléricalisme aura été l'un des ciments dont ils se seront servis pour unifier la maçonnerie dite "latine" (ou "libérale"). Cette franc-maçonnerie, dont le Grand-Orient de France fut la "locomotive", se présente comme requérant de ses membres "une disponibilité mentale prête à réviser ses propres valeurs a l' audience d'autrui" (émission du GODF sur France-Culture du 1er février 1981). Les catholiques en furent longtemps écartés car cette disponibilité avait pour limites l' adhésion aux "valeurs" de l'Église. Pour M. Jacques Mitterrand par exemple, interrogé dans cette même émission, il est dans la nature profonde de l'Église d'imposer autoritairement ses propres valeurs quand elle se trouve en situation de puissance. Son respect de la liberté de penser ou de croire n'est qu'une concession purement tactique, liée aux situations de faiblesse. Un membre de cette Église sera donc toujours suspect d'avoir aliéné sa liberté.

S'il s'agit là, comme nous le pensons, d'un procès immérité, l'histoire humaine de l'Église catholique permet néanmoins d'en comprendre les raisons. En effet, lorsque ce jugement s'est formé au sein des loges, la réalité était bien celle d'un cléricalisme dominateur, et le déiste Jean Macé, fondateur de la Ligue de l'enseignement (1866) avant d'être initié à la loge La Parfaite Harmonie, à Mulhouse (l'un des plus ardents pionniers du laïcisme), combattait un danger qui n'était pas illusoire.

Aujourd'hui, les obédiences européennes, rassemblées sur l'initiative des Grands-Orients de France et de Belgique, perpétuent cette tradition avec moins de raison. Elles ont constitué en 1961 à Strasbourg un «centre de liaison et d'information des puissances maçonniques signataires de l'appel de Strasbourg" (CLIPSAS), dont la laïcité reste le principe, et le cléricalisme l'ennemi. Ces obédiences, toutefois (il faut leur rendre justice), s'efforcent d'élargir la notion de laïcité. Bureaucratie, technocratie et totalitarismes, estiment-elles, secrètent désormais une nouvelle forme de "cléricalisme", plus dangereux dans l'immédiat que celui d'une Église, encore soupçonnée certes, mais dont un haut dignitaire du Grand-Orient de France, M. Corneloup, disait, en juin 1973, qu'elle n'avait "pas fini de nous étonner".

Bien des catholiques ne sont pas loin de penser : "Le cléricalisme, voilà l'ennemi !" Et nombre de francs-maçons n'écartent plus tout à fait l'idée de s'associer à eux pour lutter contre cet ennemi aux formes nouvelles. Certains même, qui repoussent une telle alliance, accusant l'Eglise d'opportunisme et lui reprochant de "récupérer" à son profit la politique maçonnique de défense des droits de l'homme, admettent néanmoins qu'il existe des convergences et aiment à citer la volonté, commune aux uns et autres, d'assurer, selon l'expression d'un grand-maître, la "liaison entre l'Utopie et la politique".

Mais les uns et les autres ont aussi leurs "réalistes" qui ne s'embarrassent pas d'utopie et leurs "intégristes" qui ne s'embarrassent pas de politique. M. Alfred Monosson, dignitaire de la Grande-Loge de France, oppose les utopistes, ou utopiens, ces "redoutables prophètes" qui rêvent d'un monde idéal, "d'un monde de nulle part" qui devient souvent "un monde concentrationnaire", à "l'Utopie" qui incarne, écrit-il, l'idéal maçonnique, et qui consiste "à parier sur l' Avenir de l'Homme (...) Les maçons, affirme M. Monosson, ne peuvent être considérés comme des utopistes puisqu'ils ne sont pas des doctrinaires qui veulent construire un monde où tout est règlementé." (Cahiers de la Grande-Loge de France. 1er trimestre 1982.)

A.'.V.'.C.'.B.'.:: http://www.carbonaria.org
Página Principal - Mapa do Sítio - Naturalismo - Alta Venda