REVISTA TRIPLOV
de Artes, Religiões e Ciências


Nova Série | 2011 | Número especial
Homenagem a Ana Luísa Janeira

 

Ana Luísa Janeira
Foto de José M. Rodrigues

SUMIYO TSUKADA

 

Ma chère Ana,

Madame «écoute», ma bienfaitrice

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Maria Estela Guedes  
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       Je suis ravie de t’avoir retrouvée d’une manière inattendue et miraculeuse. Une sœur portugaise que j’ai rencontrée dans un foyer de Paris était une vraie messagère. Quand j’ai prononcé ton nom, elle m’a dit que tu étais connue au Portugal et qu’elle avait trouvé ton nom dans des revues. Et après qu’elle est rentrée dans son pays, suite à sa mutation de l’été dernier, un jour j’ai reçu ton mail. Combien cela m’a surprise ! Ça faisait de longues années que j’avais perdu le contact avec toi bien que tu sois toujours présente en moi comme ma bienfaitrice. Si je ne t’avais pas rencontrée, je ne serais pas telle que je suis.

        C’était sur le campus de l’Université de Grenoble que je t’ai rencontrée à l’été 1981. Tu es apparue devant moi qui venait d’arriver du Japon pour mon premier séjour en France et tu m’as adressé des paroles pleines de gentillesse. Peut-être ta sœur ayant travaillé à l’ambassade du Japon au Portugal, as-tu éprouvé de la sympathie envers moi ?  On a sympathisé tout de suite.

 
 
 
   
   
   
   
   
   
   
   
   
 
 

        Je t’ai appelée «Madame écoute».  En effet, tu as souvent commencé tes phrases par « écoute » quand tu t’es adressée à moi : « écoute, Sumiyo, ici en Europe, ce qui est important, c’est de bien ranger et garder les documents officiels pour avoir des preuves.» «Ecoute, Sumiyo, ici en Europe le noir est la couleur la plus féminine et élégante.» etc. Mais ton « écoute » le plus impressionnant, c’est celui par lequel tu m’as appris ceci : « Ici il y a un professeur spécialiste de Bergson. Tu pourrais t’inscrire dans l’unité de philosophie ». Ainsi c’est toi qui m’as lancé l’appel qui a guidé mon chemin, celui que j’avais cherché au fond de moi mais auquel j’avais failli renoncer. J’étais venue avec une bourse dans le but d’obtenir un diplôme d’enseignement du français. Toi qui avais obtenu ton doctorat à l’Université de Paris sous la direction d’Henri Gouhier tu connaissais bien aussi les philosophes de Grenoble. Celui-ci que je connaissais de nom comme auteur de Bergson et le Christ des Evangiles m’apparaissait comme quelqu’un de plus proche. Et deux mois plus tard j’ai pu m’inscrire au DEA de philosophie. Et c’est ainsi que j’ai eu la chance de rencontrer Monsieur le professeur François Heidsieck, auteur de Henri Bergson et la notion d’espace et de l’avoir comme directeur de thèse. De plus à travers lui, j’ai pu rencontrer ma mère en philosophie, Madame Parain-Vial, la première spécialiste de Gabriel Marcel, qui m’a vraiment aidée. Mais si, de longues années plus tard, j’ai enfin terminé ma thèse sur l’étude comparative de Bergson et de Marcel, c’est avant tout grâce à ma grande sœur Ana-Luίsa.

      Tu m’as même invitée chez toi, à Lisbonne. Sans toi, je n’aurais jamais découvert la douceur du Portugal et des Portugais qu’aimait un écrivain vagabond japonais, Kazuo Dan. Ta famille, tes collègues, la Tour de Lisbonne d’où sont partis Luís Fróis, l’auteur de l’histoire du Japon au 16 e siècle, et des marchands... Et j’ai eu l’honneur de parler dans ton cours de sémiologie à l’Université des Sciences, de la signification de l’espace du salon japonais, du « tokonoma » ( renfoncement destiné à recevoir des objets décoratifs ) donné par toi comme sujet d’un mini-discours. Tu m’as donné l’occasion d’y réfléchir et j’ai appris que cet espace où on met un tableau de lavis etc. et des fleurs en vase, sert aussi à se sentir à l’aise dans le silence quand on est en .contemplation devant eux. Après le cours, quelques-unes de tes étudiantes très sympathiques et élégantes m’ont emmenée au Musée et m’ont fait découvrir à ma grande surprise un grand «biombo» doré et brillant dont j’allais retrouver le même beaucoup plus tard au Musée de Nagasaki. Et il reste aussi, imprimés dans mon souvenir, des camélias s’harmonisant en plein printemps avec le château de Sintra et des propriétés cossues construites par des navigateurs de retour du Brésil, comme s’ils avaient oublié l’hiver de leur origine japonaise. Sans oublier tant d’autres cadeaux du cœur que tu m’as offerts.

      La rencontre avec toi, « m’a développée du dedans, elle a joué par rapport à moi comme principe intérieur » si je reprends les expressions de G. Marcel. Et toi, avec « l’énergie morale », sur la scène internationale, tu enseignes, tu écris dans des revues, tu fais des communications, tu entres en contact avec des gens et tu les influences, tu «mobilises des ressources humaines et matérielles». Ainsi tu incarnes la pensée de Teilhard de Chardin au sujet duquel tu as eu la gentillesse de m’offrir ta thèse intitulée Réflexion philosophique sur l’énergétique dans la pensée de Pierre Teilhard de Chardin, n’est-ce pas? 

       Sumiyo, «Mlle n’est-ce pas ?» qui t’est toujours reconnaissante de tout son cœur.

 

 

 

SUMIYO TSUKADA
Universite de Kagoshima
Departement de la Dentisterie psychosomatique
Chaire de Medecine sociale et comportementale
8-35-1 Sakuragaoka, Kagoshima 890-8544, Japon
Tel,Fax : 099 275 6290
E-mail :
tsus@dent.kagoshima-u.ac.jp

   
 

 

© Maria Estela Guedes
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