S'il fallait définir l'initiation maçonnique en quelques mots, on pourrait dire qu'elle est une démarche singulière qui conduit celui qui l'a reçue à la compréhension progressive de la condition humaine. Le philosophe Jean Mourgues précise à cet égard : " Être initié, c'est savoir qu'on peut apprendre à vivre en homme, et que c'est peut-être là notre devoir le plus haut. " (Jean Mourgues, La pensée maçonnique. Une sagesse pour l'occident, PUF, 1990, p.71). L'initiation maçonnique est donc une démarche particulièrement exigeante car, comme toute sagesse et toute quête initiatique, elle propose de devenir pleinement conscient de son humanité et incite l'initié au perfectionnement intellectuel et moral par un travail sur soi sans cesse renouvelé. Autrement dit, être initié, ce n'est pas un état ou un acquis, ce n'est pas la simple appartenance à un ordre initiatique. C'est au contraire un commencement, une démarche dynamique qui n'a pas de fin.
Si tant est qu'il soit possible d'en circonscrire la nature et les buts, on pourrait relever deux grands principes de l'initiation maçonnique.
• Le premier principe est que l'initiation maçonnique est une initiation qui appelle à la construction. Elle part du postulat qu'il est possible de contribuer à l'établissement d'un ordre social et que cette possibilité est offerte aux femmes et aux hommes raisonnables, désireux de parfaire leurs connaissance des hommes et du monde dans lequel ils vivent. Ce principe, malgré sa clarté, est source d'incompréhensions. Contrairement à ce que certains esprits chagrins pensent, il ne s'agit pas d'établir un ordre politique par l'influence, voire la manipulation et le complot. Il s'agit de faire en sorte que, par l'exemple d'un comportement fait de droiture morale et de générosité, par une pratique concrète des vertus, chaque franc-maçon, à son modeste niveau, contribue au tissage de liens sociaux harmonieux et à l'avènement d'une société meilleure et plus éclairée. Il ne sert à rien de parler de justice si l'on ne tend pas, dans sa vie, à être juste, de même qu'il est inutile de se draper dans de grands principes si l'on n'a pas la volonté de s'y conformer et de les faire vivre concrètement par l'exemple. Utopique ? Sans doute. Mais une utopie à hauteur d'homme que chacun peut tenter d'atteindre.
• Le second principe est que cet ordre social ne peut se concevoir qu'à la condition qu'il repose sur la qualité des femmes et des hommes appelés à le construire. Ces derniers doivent apprendre à privilégier constamment ce qui réunit plutôt que ce qui sépare. Ils doivent acquérir une ouverture d'esprit suffisamment grande pour ne pas se laisser emporter par les préjugés (au demeurant naturels) politiques, religieux, philosophiques, sociaux, culturels, etc. Et, une fois encore, ceci demande un effort de tous les instants. Par l'initiation, le franc-maçon est donc invité sans cesse à prendre conscience que le sentiment fraternel, l'écoute attentive et bienveillante d'autrui, la maîtrise de soi, l'expression convaincue d'une pensée tolérante, permettent d'aimer et de vivre en parfaite solidarité avec tous les hommes, maçons et non maçons, engagés selon leur libre conscience contre le mal, les mauvaises passions, la superstition et le fanatisme quel que soit le camp qu'ils aient choisi.
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On pourra sans doute objecter à tout ce qui précède que cette " aristocratie " de cœur et d'esprit, n'est parfois pas à la hauteur de ce qu'elle prétend réaliser. Et de citer, par exemple, certaines affaires auxquelles des francs-maçons ont été mêlés ou de se référer à des comportements qui ont déplu plus ou moins fortement. |
Et on aura raison d'insister sur ce point, à la condition de ne pas prendre la partie pour le tout, à la condition de ne pas ériger certaines défaillances en règle générale. L'initiation maçonnique ouvre un chemin. Ni plus ni moins. Parce qu'elle fait appel à la responsabilité individuelle, l'initiation maçonnique ne prémunit pas des erreurs celui qui a fait le choix de se tromper et de tourner sciemment le dos aux obligations dont elle est porteuse. D'ailleurs, ceci vaut aussi bien pour la franc-maçonnerie que pour n'importe quelle autre association dont l'image se trouverait ternie à un moment donné par des comportements critiquables et répréhensibles.
